Le podcast hélicoïdal

Une œuvre d’art sociétale

Poster pour le Creative Commons Global Summit 2019 à Lisbonne

Poster pour le Creative Commons Global Summit 2019 à Lisbonne, João Pombeiro

Dans notre monde contemporain, l’art, comme les sciences et les techniques, est pratiqué par un nombre toujours croissant de personnes, suffisamment pour que même si seules quelques unes accèdent à une certaine célébrité, on puisse croiser des artistes à tous les coins de rues numériques. Certaines ne se considèrent d’ailleurs pas comme des artistes, mais nombreuses sont les personnes qui s’essaient à la création ; c’est une des heureuses conséquences du développement d’internet. Les intelligences artificielles génératives ont pu se nourrir de ce foisonnement ; que ce soit légalement et ouvertement ou non, si chacune de leurs « œuvres » prises individuellement ne peut pas être considérée comme de l’art, pour toutes les raisons que nous avons vu précédemment, elles sont toutes le fruit de cet apprentissage basé sur des milliers, voire des millions d’œuvres d’arts. Si l’on considère alors toutes les œuvres générés par I.A. comme un tout dans un contexte bien particulier, pourquoi ne pas considérer l’ensemble de ces I.A. elles mêmes comme une seule et unique, mais gigantesque, œuvre d’art collective, sociétale, et anationale ? Prise sous cet angle, l’I.A. générative serait un bien commun qui devrait systématiquement appartenir au domaine public, et non être contrôlée par une quelconque entreprise ou organisation privée1.

Il faudra aussi noter que si les intelligences artificielles statistiques et génératives constituent dans leur ensemble une immense œuvre d’art collective, et anationale, elle n’est pas pour autant mondiale et aculturelle ou polyculturelle. Un bref inventaire des I.A. génératives existantes montre vite que la majorité sont soit étasuniennes, ou à minima alignées sur des cultures proches, en Europe par exemple, soit chinoises ; l’histoire de l’informatique et de l’I.A. nous montre bien de toute façon l’hégémonie étasunienne sur le monde numérique, qui ne peut pas être sans influence culturelle, dès la conception2. Il est évident aussi que les données d’apprentissage des I.A. statistiques sont très majoritairement issues de cette même soupe culturelle, reproduite par les I.A.3, et que leur « alignement » se fait en fonction autant de ces cultures que des censures politiques des états qui les contrôlent.

  1. Ce qui fait l’I.A. générative est une combinaison de puissance de calcul, d’algorithmes découverts et conçus pour certains il y a plus de 70 ans, et surtout un ensemble innombrable d’œuvres ayant servi à l’apprentissage. Les acteurs privés qui proposent des I.A. génératives sont d’abord et avant tout des ratisseurs de données, pour la plupart déjà publiques. ↩︎
  2. L’immense majorité des langages de programmation sont dérivés de l’anglais, bien qu’ils soient basés sur des principes de logique fruits des réflexions de philosophes d’origines plus variées, bien que toujours « occidentale ». ↩︎
  3. On sait que les biais introduits par les données d’apprentissage sont nombreux ; que les I.A. génératives reproduisent le plus souvent les clichés culturels des pays les plus riches et les plus influents, malgré les tentatives « d’alignement » de toute façon réalisées dans ces mêmes pays. ↩︎

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