De l’étoile à la conscience

The Golden Rays, Herbert James Draper, c. 1900

Voici un électron ; il fait partie d’un atome à la surface d’une étoile, dont il est, en l’état actuel de nos connaissances, une des briques fondamentales. Parmi ses quelques propriétés, il possède une charge électrique, négative ; on peut dire aussi qu’il interagit avec le champ électromagnétique, qui est un des champs quantiques qui baignent l’univers entier, en tous lieux, tels d’immenses océans qui baignent (et forment) l’univers. Ainsi, chacun des mouvements de cet électron perturbe ce champ, et y crée des perturbations, des vagues, tel un poisson nageant là. Par exemple, à cet instant, cet électron, tout excité, plein de l’énergie résultant des réactions de fusion nucléaire et des forces physiques ayant lieu au sein de l’étoile dont il fait partie, relâche soudainement une petite partie de cette énergie débordante qui le rendait instable, et retourne dans un état un peu plus calme. Ce faisant, il perturbe le champ électromagnétique et y crée une vaguelette. Cette vaguelette prend la forme d’une onde, ou plutôt d’un petit paquet d’onde, contenant exactement l’énergie qu’il a relâchée, et qui se propage en ligne droite dans le champ, à travers l’univers. Selon son comportement, on le décrira aussi bien comme un point qui se déplace, une particule, que comme une onde, une oscillation, avec une fréquence, et on l’appellera « photon ». Dans tous les atomes voisins de celui que nous observons, dans tous les atomes constituant cette étoile, dans ce nombre incommensurablement grand de particules, les mêmes activités ont lieu, et l’étoile émet en permanence, à chaque instant et dans toutes les directions, un flot ininterrompu de photons constituant le rayonnement électromagnétique qui portera leur énergie à travers l’espace et le temps. Tous ne voyageront pas indéfiniment, certains rencontreront d’autres perturbations du champ électromagnétique, en particulier les électrons d’autres atomes sur leur chemin, comme ceux de l’atmosphère de leur étoile d’origine, ou ceux de l’atmosphère d’une planète. Ils pourront éventuellement être absorbés par ces électrons qui y gagneront leur énergie, et leur voyage s’arrêtera là. Mais les autres pourront continuer leur voyage, tout en étant éventuellement déviés par leurs rencontres ; et une petite partie d’entre eux finira peut-être sa course sur terre, plus précisément dans l’œil d’un animal, d’un mammifère, ou plus spécifiquement encore d’un être humain, le vôtre par exemple. Au fond de cet œil, ils rencontreront votre rétine, et une autre sous-partie d’entre eux interagira avec des cellules bien particulières de la rétine présentant des opsines, des protéines spécifiques, à leur surface, et excitera les électrons de certains atomes composant ces opsines. Ce changement de configuration des atomes de ces protéines pourra même provoquer des réactions chimiques puis un minuscule courant électrique, une impulsion, qui sera propagée, transformée et traitée, de neurone en neurone, agrégée avec d’autres impulsions en un signal porteur d’information jusqu’à votre cerveau. Là, il pourra avoir de nombreux effets, et par un processus mystérieux, il se formera une perception consciente, qualitative, mais subjective, de cette information, ce qu’en philosophie, on appelle un quale : la couleur.